Ivan Refioul, dit le « Ivanhoé des Croisades » ou encore « Ivan l'Horrible », fait partie de nos avant-postes, nos éclaireurs, à l’instar d’Eric Zemmour ou de Claude Imbert. Il s’agit là de l’un des « républicaniens », ces porte-paroles qui vomissent tout haut ce que les consanguins régurgitent habituellement tout bas. Mais surtout, Ivanhoé est passé maître dans l’art de détourner les mots et de prendre en otage les concepts, dans la plus pure tradition Leborgniste. Ses termes sont toujours choisis avec la volonté de simplification binaire qui caractérise tout entreprise de stigmatisation incantatoire. Idéologue et propagandiste, Ivanhoé s’exprime chaque jour dans l’un des journaux les plus lus de France, et sur son blog bien entendu (comme le sait tout consanguin, un blog permet une activité émétique plus soutenue qu’un simple éditorial, même à gros tirage). Refioul a érigé son talent émétique en Art Subtil de la Propagande en Milieu Conquis. Toute honte post-mittérandienne bue, prenant bonne note du score du FN en 2002, Ivan se lâche comme un sauvage sans discontinuer, depuis des années maintenant.
L’activité éditoriale d’Ivan Refioul consiste en un reflux actif et volontaire par la bouche, du contenu gastrique – voire intestinal, lors des plus spectaculaires rafales. Elle se distingue de la régurgitation populaire qui, elle, est passive. Le quidam se contente en effet de réflexions racistes dans le métro, ou de jurons xénophobes lancés au téléviseur après une dure journée de labeur. Ivan Refioul a fait de cette régurgitation molle de conservatisme rance une activité quotidienne, ouvragée, en un mot, éditoriale. Plus qu’une régurgitation, l’activité d’Ivanhoé consiste en une longue expulsion constante de tout ou partie du contenu de l'estomac par le clavier. Action protectrice, elle a pour but de protéger l'organisme contre l'ingestion d’idées toxiques et l’exposition à des phénomènes culturels différents.
Car quand le quidam veut foutre les algériens dehors et envoyer la troupe aux martiniquais, Ivan Rioufol parle d’identité et de communautarismes. Il faut souligner à quel point les mots sont devenus, sous le clavier de nos républicaniens, totalement interchangeables. L’immigration est responsable des trois quarts du déficit français, ainsi que de la quasi-totalité des actes de délinquance commis sur le territoire, écrit le savant Refioul. Ce que le consanguin de base a traduit depuis longtemps par un « la France aux français », slogan qui étincèle dans le firmament idéologique avec l’éclat d’un œil de verre.
Ivanhoé érige donc, non pas la nation, mais le nationalisme, en socle fondamental à partir duquel décrypter tout autre phénomène. Ivan choisit notre degré de communautarisme favori, le degré national, pour prétendre ensuite combattre toute autre forme collective, taxée de communautarisme (le communautarisme musulman qui se cristallise autour du Coran, le communautarisme européen qui se cristallise autour de Bruxelles, le communautarisme gauchiste qui se cristallise autour de Marx et au-delà, d’un humanisme douteux, etc).
Son mécanisme éditorial est d'une superbe obédience droitière : dans le tronc cérébral d’Ivanhoé se trouve le centre idéologique recevant des informations du cortex, de la pression des ventricules cérébraux, des viscères, et d'une zone de chimiorécepteurs appelés « xénobloquants ». Soumis à des images (un voyage présidentiel au Mexique, des troubles socio-économiques dans les territoires les plus exotiques de la république, une fronde périurbaine violente ou une manifestation sur le pouvoir d’achat), le tronc cérébral envoie des efférences vers le tube digestif, plus particulièrement vers le duodénum. L’organisme tout entier est alors pris de convulsions.
Ça monte, et c’est irrépressible. L’éditorialiste allume alors son PC, avec une certaine difficulté puisqu’il est pris de tremblements. Il lance un doc word et aussitôt, se produisent les mouvements rétropéristaltiques du duodénum, suivis d'une contraction du pylore avec atonie gastrique, puis d'un relâchement du cardia avec contraction simultanée du diaphragme et des muscles abdominaux - ce qui provoque la remontée des arguments. Guebouul-gwarg.
Enfin, un phénomène réflexe chez le sujet conscient permet la fermeture des voies aériennes supérieures, ce qui prive son cerveau de toute nouvelle arrivée d’air pendant le temps que dure la rédaction de l’éditorial. L’alimentation du cerveau en air reprend ensuite petit à petit, dans la mesure du possible dans une salle de rédaction du Figaro.
En résultent de nombreux éditoriaux dont le propos n’est autre que de présenter le multiculturalisme comme l’ennemi absolu de l’identité française, qui est définie classiquement comme blanche, catholique et conservatrice. Tout trouble économique, toute vague sociale, tout soubresaut culturel est nécessairement induit par un stimulus exogène, par essence vicieux, et probablement islamique. A l’instar du circuit digestif de l’éditorialiste, le pays tout entier devrait donc, à son sens, rejeter vigoureusement toute forme d'extranéité, combattre les tentations cosmopolites conçues comme autant de chevaux de Troie, et éliminer les parasites. Ivanhoé s’accroche à une notion de « société naturelle », exempte donc de parasites, et révèle ainsi le sain essentialisme qui préside à toute démarche consanguine.
Ivan Refioul ne sort jamais de son bureau, ne lit jamais autre chose que les communiqués élyséens et le blog de Daniel Pipes, ne voyage jamais à l’étranger (ne serait-ce que pour mesurer les petites nuances qui distinguent la bande de Gaza et Clichy-sous-Bois), truque les chiffres (notamment ceux de la démographie française, qu’il ignore ou déforme à loisir), mais prétend livrer à chaque édito un instantané du pays aussi exact qu’un procès-verbal.
Ivan Refioul pose le problèmes en termes simples. L’alternative politique est claire : c’est l’ultralibéralisme catho-conquérant (inspiré du néoconservatisme protestant américain), ou alors l’islamisation bolchévique. La civilisation rentable-durable sarkopilotée, ou la barbarie obscurantiste amenée par l’ethnomasochisme des gauchistes. Partant de là, Ivanhoé prône un statut du ressortissant national ontologiquement supérieur, à partir du moment où il procède d’une adhésion sans condition à sa conception de la nâtion, entendue comme un complexe idéologique, ethnique et historique homogène. Contre le multiculturalisme et la mondialisation, dépeins bien évidemment comme deux totalitarismes meurtriers, avec chars d'assaut, goulags, camps de rééducation, empoisonnement des opposants au polonium, torture des dissidents, et famas dans le cul des masses hypnotisées, n'est-ce pas. Toute proposition contraire est taxée de « régressisme » par Ivanhoé, et doit être traitée comme telle.
S’ensuit alors une litanie consanguine exemplaire : Ivanhoé parle de "tribalisation des quartiers", de "libanisation du pays", "d’intifadas anticapitalistes", "d’antiracisme stalinien", ce qui démontre selon ses détracteurs qu’Ivan Rioufol ne maîtrise absolument, définitivement, radicalement, aucun des concepts qu’il invoque et des réalités qu’il travestit.
Mais peu importe, puisque l’effet se produit. Cette aseptisation des thèses métaconsanguines joue pleinement son rôle dans l’exacerbation des antagonismes culturels, vers un gros affrontement multipolaire, interethnique ou pluriconfessionnel, dont on aura beau jeu de dire, ensuite, qu’il était inévitable et que les droit-de-l’hommistes et les immigrés l’ont provoqué... Matez un peu la stratégie. Le fantasme de la Guerre de Tous contre Tous opposé au Retour à l’Ordre Moral Identitaire. Le reste n’est qu’une question de mots, et à ce jeu, Ivanhoé pratique un nivellement hors norme.
Puisque la société est en crise, crise économique, crise existentielle, crise sociale, il faut trouver des bouc-émissaires. Les consanguins sont les spécialistes du débusquage de bouc-émissaires : les juifs, bien sûr. Les arabes, forcément. Les immigrés, de toutes façons. Les fonctionnaires, depuis longtemps. Les profs, les athées, les chercheurs, etc. Les asiatiques, dans pas longtemps.
Prenez l’exemple des Caraïbes françaises : ce qui est incontestablement un problème social et économique, reprend des couleurs ethniques fortes sous la plume d’Ivanhoé, qui parle de séparatisme ethnique et d’interventionnisme étatique, les deux monstres habituels qui terrorisent les lecteurs du Figaro et fédèrent les troupes d’extrême-droite (terme dont la désuétude actuelle nous emplit d’aise, soit dit en passant). Les guadeloupéens en révolte n’ont pas de problème économique : ils rejouent seulement les guerres de décolonisation, par poussée communautariste évidemment !
Le communautarisme, encouragé par le socialisme, une équation binaire comme on en trouve trop peu aujourd’hui. A ce titre, bien entendu Ivanhoé est l’un des tous premiers à taxer une bonne partie de ses compatriotes d’antisémites, puisque selon lui, les altermondialistes, les gauchistes, les opposants à Israël et puis tant qu’on y est les antisarkozystes, sont tous des antisémites (dont certains s’ignorent, rendez-vous compte de l’œuvre de salubrité publique à laquelle se livre Ivan). Car pour tout républicanien, le communautarisme juif est différent des autres : il est bel et bon, celui-là. Il est mérité. Il est intouchable. Il est "justifié", parce qu'il est à la pointe du combat de l'Occident contre les Hordes de Cthulhu. Et de reproduire ainsi les amalgames entre judéïté et Israël, amalgame qu’affectionnent non seulement les horribles islamistes, non seulement les burlesques gauchistes anticréditistes, mais également les consanguins soraliens pour lesquels nous avons tant d’amitié... En cela comme en d'autres domaines, Ivan Rioufol fait assurément oeuvre scientifique, et démontre par A + B que les perses et les sarrasins sont d'odieux orques à grandes dents qui veulent dévorer nos enfants.
D’ailleurs pour Ivan, le monde n’a connu que deux génocides : la Shoah et le génocide vendéen. Le reste, comme dirait Patrick Balkany, ce sont des photos truquées. Des « points de détail » de l’Histoire, en somme.
Pourquoi un éditorialiste français devrait pénétrer les subtilités de l’islam, pourquoi devrait-il distinguer entre musulmans et fondamentalistes ? Est-il besoin d'être ethnologue, sociologue, théologien, géopoliticien ou historien pour parler de ces phénomènes ? A-t-on besoin de convoquer sans cesse cette prétendue "complexité du monde" ? Les musulmans sont tout simplement priés d’en finir avec leur religion, qui n’est autre, comme le disent nos républicaniens, qu’un fascisme. Consanguins, réjouissez-vous ! Combien d'écrivains islamophobes, de "géopoliticiens" en beurre, d'éditorialistes du Point, de "philosophes" et de sociologues xénophobes... ceux que Daniel Lindenberg rassemblait sous le terme générique de « nouveaux réactionnaires », et qui se sont tous emportés contre les amalgames auxquels se livrait cet horrible pourceau maoïste, se rassemblent quand même aujourd’hui sous le vocable de « rebelles » - nonobstant le fait que leurs (nos) idées ont à présent pignon sur rue. Peu importe, puisqu’il suffit de conserver un lexique de martyr et un vocabulaire de « résistant ». Et tous se piquent de parler de l'islam, "l'islam facial", un gros monolithe liberticide qu'il faut combattre ailleurs et humilier ici. Rappelant malgré eux, mais pour notre plus grande joie, les ténors nationaux-socialistes qui expliquaient la "psyché juive" dans les années 30, nos républicaniens n'hésitent d'ailleurs jamais devant un bon point Godwin des familles.
Ivanhoé vomit donc beaucoup, pour notre plus grand plaisir. Il est parfois même atteint d’un violent syndrome de Mallory-Weiss, qui déchire la muqueuse située à la jonction entre l'œsophage et l’estomac. Provoquée par des vomissements répétés et prolongés, une telle logorrhée conservatrice aboutit à une hémorragie aigue, que les dîners mondains et les cabinets ministériels présentent comme une saine expression journalistique – bien loin de la fange internétique dénuée de toute déontologie. Les productions d’Ivan Rioufol ont en effet des propriétés émétiques fortes, qui permettent une contagion soutenue des opinions ainsi révélées au péquin moyen via le Figaro. Et ça, ça s'appelle la propagation consanguine, et c'est ce à quoi ont rêvé Carl Lang et Bruno Gollnish depuis plusieurs décennies, ce qu'on oublie trop souvent de rappeler.
Après Robert Redeker et Michel Gurfinkiel, nous décernons donc à Ivan Refioul le très convoité Prix Goebbels-Whipple, pour l’ensemble de son œuvre.