Cette semaine, le docteur Hans Grüber, récemment promu « consultant spécial au détournement sémantique et au réarmement nationaliste » par Brice Hortefeux, livre quelques nouvelles définitions indispensables à tout bon consanguin. Saluons donc une nouvelle fois l’irremplaçable linguiste propagandaire, qui place dans nos bouches les précieux schèmes d’une langue réappropriée et toute entière consacrée à l’anathème et à la stigmatisation. Consanguins, à vos cahiers !
Archaïsme : désigne tout ce qui est poids mort pour la bonne santé d'un corps déroulant sa foulée d'un bon rythme, en t-shirt NYPD. La France, non seulement elle va devoir se lever tôt, mais elle va devoir faire son jogging matinal pour se débarrasser de la mauvaise graisse (les profs, les syndicats, les fonctionnaires, les clandestins, les immigrés, les intellectuels, les chômeurs, les malades). Car nous, les consanguins, sommes persuadés de faire partie du muscle. L'archaïsme, c'est le passé, en gros les chimères libertaires qui ont proliféré pendant le 20e siècle et dont Mai 68 fut le point d’orgue. L’achaïsme, c’est l’idée très bête selon laquelle nous ne serions pas les meilleurs, les plus beaux, les plus civilisés et les plus forts. Quand on veut, on peut. Bientôt les paralytiques, les handicapés et les cotorep aussi vont se relever, faire un footing, et aller bosser.
Islamiste : musulman de souche.
Hypertolérance : Notion soeur de la Repentance et de l'Antiracisme. La tolérance, c'est accepter la différence de l'autre. « L'hypertolérance », c'est trop accepter la différence de l'autre. L'hypertolérance c'est la gangrène gauchiste-nihiliste-antirépublicaine-judéophobe (... et y en a un peu plus, j’vous le met quand même ?). Comme pour le métissage multiéthnique ou l’ultra-repentance, expliquez que « l’hypertolérance » est le « totalitarisme du XXIe siècle », et que seule une Réaction profondément xénophobe, nationaliste et droitière nous sauve de la barbarie et fait de nous des hommes. C’est con à hurler des insanités dans la nuit ? Oui, mais en ces temps de décomplexion conservatrice et d’extase raciste, plus c’est gros, et plus ça passe. Klemperer a expliqué il y a déjà longtemps en quoi les superlatifs pouvaient nous être utiles.
Paix (la) : dites que c’est « l’intervalle entre deux guerres ». ça fait terriblement philosophe, genre moi j’ai une Vision de l’histoire. C’est aussi con que de dire que « la guerre est l’intervalle entre deux paix », mais ça nous place toute de suite dans une pose guerrière qui nous fout des papillons dans les couilles.
Police de la pensée : désigne l'organisation paramilitaire ultra-violente qui sévit en France, notamment, et qui persécute les consanguins. La Police de la pensée empêche quiconque de lire Giraudoux ou Céline, a remplacé le planning familial par le métissage obligatoire dès l'âge de 16 ans, tabasse nos scouts dans les commissariats, harasse tout homme blanc en costume de contrôle d'identités, enrôle nos enfants dans des centres d'endoctrinement communistofestif, contraint les bons chrétiens à prier tournés vers la Mecque, oblige les petites filles à porter le voile, etc, etc.
Poivrit : n. masc., désigne un "poivrot" accoudé au bar, dont le discours rance et les insultes leborgnistes finissent par occasionner de minces dépôts infectés à la commissure des lèvres. Lorsque l'infection se prolonge plusieurs années, le dépôt bactériologique devient prurit. L'on parle alors de "poivrit". L'avènement de l'internet a permis aux "poivrits" de quitter le zinc pour rejoindre le clavier.
Terrorisme intellectuel : alors ça, c’est le hold-up de la décennie, qui a tourné à notre avantage. Dans les années 80, la gauche au pouvoir pratiquait un « terrorisme intellectuel » qui nivelait un grand nombre de questions sociétales et diabolisait toute pensée dissonante. Il fallait être « politiquement correct », et nous vivions, nous autres consanguins, dans la clandestinité, ou dans la honte de voter LeBorgne. Heureusement, nos porte-paroles ont su exécuter un admirable retournement de sens, et c’est désormais nous qui pratiquons le terrorisme intellectuel, avec une maestria que nous envient les Harlem Désir et autres Jack Lang aujourd’hui. Notre terrorisme intellectuel est simple : il consiste à la reductio ad hitlerum. Quiconque n’épouse pas nos thèses réactionnaires, xénophobes et nationalistes est un gauchiste - donc un propalestinien - donc un pro-islamiste - donc un antisémite - donc un nazi. Cette combo est infaillible, issue en droite ligne des méthodes du procureur stalinien, ou moins grossièrement, du procès en sorcellerie.
Il s’agit bien entendu d’un pur sophisme, s’appuyant sur une inculture aigue et des amalgames intentionnels, mais elle est aujourd’hui reprise par nos plus vaillants représentants, de l’éditorialiste diarrhéeux Ivan Refoule au chansonnier Philippe Vassal en passant par le serial-propagandiste Pierre-Léandre Taguieff. Avant d'être repris par tous les petits persécutés de la droite française pour condamner leurs adversaires, le terrorisme intellectuel est un livre de Jean Sevillia. Jean Sevillia est un type du Figaro Magazine (forcément), et aussi un historien très drôle, qui prétend par exemple démontrer que l'Inquisition, ce n'était pas si terrible que ça. Au final, c’est le bon gros Point Godwin érigé en thèse idéologique. On s’est pas trop foulés, ça se voit gros comme un furoncle sur la gueule d’Arielle Dombasle, mais traiter un démocrate cosmopolite de nazi fait toujours son petit effet consanguin. Hein Jean.
Hé héhé héééééééééééé..
Traitre : cf. "ethnomasochiste". (N'oubliez pas, on est en guerre-civile-tout-le-temps-partout).
Vagin : le Mal absolu.
World Global partouze : "béance festive fusionnelle mondiale" - désigne le reste du monde, par opposition à la chambre à coucher du consanguin.
(Featuring Ordet)