03 août 2006

Consanguinité plurielle


Nous nous devions d’examiner, dans la tempête politique actuelle et suite à l’échéance consultative du 31 mai, les orientations prises par nos frères consanguins face à la question qui leur était posée. Nous nous sommes donc adressés à un éminent sociologue, le professeur Hans Grüber, qui a pour nous analysé les motivations qui furent celles des consanguins lors de ce rendez-vous avec les urnes. Voici ses conclusions, qui nous rappellent que quoi que nous pensions du projet soumis au vote, l’électorat consanguin se démarque par l’audace de ses choix.

NONSK !

« Les consanguins se sont exprimés sur leurs blogs personnels après s’être déplacés dans les isoloirs. Leurs commentaires, antérieurs et ultérieurs au scrutin, ont fait l’objet d’une étude qui éclaire leur choix. Il ne s’agit donc pas ici, je crois utile de le souligner vu les

enthousiasmes fétides et les déficiences mentales de vos lecteurs, de se prononcer sur la valeur du projet constitutionnel ou sur l’opportunité d’un vote négatif, considérations qui ont en toute hypothèse échappé en grande partie à la sagacité des consanguins. Le « Non » consanguin n’est d’ailleurs que minoritaire dans le « Non » exprimé dimanche. On se félicite tout au plus que l’électeur consanguin ait su différencier les deux petits mots des bulletins.

Il s’agit uniquement de cartographier plus ou moins grossièrement l’électorat consanguin, qui semble se réjouir d’une seule voix du résultat du referendum. Tous ou presque ont brandi la flamme du souverainisme, d’une « certaine idée de la France » face au monstre européen, face à "ses promesses de libéralisme effréné et de cosmopolitisme débridé", comme on peut lire chez beaucoup de consanguins. A de rares exceptions près, ils ont fièrement défendu leur ardente conception étriquée, bornée et délétère, du monde en général et de l’Union européenne en particulier.

Tous ou presque ont prôné le repli sur soi, le communautarisme sectaire, le conservatisme moisi, oublieux du texte même qu’il s’agissait d’examiner, captivés par les discours des ténors politiques partisans du « Non » et encore plus fascinés par ceux des partisans du « Oui ». Erigeant le referendum en débat sur leurs habituelles préoccupations nationales, nationalistes, corporatistes, les consanguins ont voté « Non » par réflexe. Pour eux, il fallait sauver la Patrie, comme d’habitude, démarche qui s’inscrit parfaitement dans leur paranoïa permanente de petites merdes sclérosées, hem.

Le consanguin a dit non, comme une grosse brêle rubiconde et gueularde. Mais le consanguin est « multiple ». Peu importait au fond la pertinence réelle des réponses qu’il était possible de faire au projet constitutionnel : le « Non » consanguin n’était pas, de toutes façons, dicté par une réflexion sur le sens et le contenu d’une constitution et l’adéquation du projet à ce qu’elle devait être, mais bien plutôt par leurs ataviques tares intellectuelles, leurs sinistres préjugés de tribalistes flippés, et leurs idéaux faisandés de fumiers réacs. Hem-hem, je reprends.

Ainsi, nous avons pu recenser, entre autres, les comportements suivants. Ils permettent d’établir quelques grandes distinctions, dans lesquelles nous l’espérons vous saurez vous reconnaître. Nous sommes toutefois parfaitement avertis du fait que nombre d’entre vous cumulent les grossiers critères dépeins plus bas,

que nombre d’entre vous se rattachent à plusieurs des catégories que nous segmentons artificiellement. Nous soulignons donc qu’il ne s’agit que d’une grille d’analyse imparfaite, mais scientifiquement établie. Nous sommes certains qu’elle vous conviendra bien assez, puisque la complexité du monde est l’ennemie ancestrale de la consanguinité, et que la vulgarisation suprême est à l’œuvre, au cœur de vos épais méninges depuis déjà bien longtemps, nonobstant les poses lettrées que certains d’entre vous essayent de prendre. Nous simplifions et catégorisons donc, mais ne sommes pas dupes : consanguins vous êtes, consanguins vous resterez, dans la splendide cacophonie de vos phantasmes d’ignares sectaires et communautaristes. Ha-hem - pardon.

Certains consanguins ont bien évidemment voté « Non » puisqu’il s’agissait pour eux de ficher des bâtons dans les roues du processus d’intégration économique et politique à l’œuvre depuis 50 ans, par frilosité nationaliste, naturellement. Il s’agit donc là de l’archétype du Consanguin Nationaliste. Tout ce qui lui semble pouvoir freiner la naissance et le développement d’un ensemble supra-étatique est donc bon à prendre, puisqu’il se cramponne encore comme un pauvre diable à cette idée de protectionnisme bon teint. Certes ce profil balbutie dans quelques cas les mots « europe des nations » histoire de se donner un vague vernis moderne, ou simplement réaliste. Mais sa myopie communautariste reprend vite le dessus. Certains y ont même vu l’occasion de « redorer » un blason nationaliste pourtant complètement bouffé par l’oxydation du temps et la rouille visqueuse et passéïste de leurs solutions de cro-magnons. Chacun en tous cas prétend avoir voté « avec le peuple », chacun s’enorgueillit d'une gifle administrée par ledit peuple à ses « élites qui le représentent si mal », et qui en tous cas représentent si mal les Consanguins, éternels martyrs de la cause, relents boulangistes et flatulences diverses, hem.

L’habituel Consanguin Réactionnaire parle lui du « cadavre français », abandonnant pour l’occasion le terme de « littérature » qui ne dupait de toutes façons personne. Cette tendance agitera pour cela quelques banalités confondantes sur les technocrates européens, la machinerie désincarnée de Bruxelles, le post-modernisme nihiliste et métisseur, « l’esprit » des peuples (quand l’existence du leur propre est déjà tellement sujette à caution), voire la menace d’un totalitarisme rouge, pour les plus drôles. Ils citeront encore De Maistre ou Bernanos qui n’aspiraient qu’à une paix posthume que ces lamentables sursinges n’entendront jamais leur laisser. Hem. Pour le reste, profondément incultes et ignorants des mécanismes juridiques et des enjeux politiques en cause, ils se seront noyés dans leurs habituels commentaires de commentaires de citations fumeuses - quelques bulles à la surface de leur cybermarécage. Les plus pompeux se poseront même en « dandies » refusant un prétendu « diktat de la Commission », bien qu’ils n’entravent pas le moindre aspect de l’organisation institutionnelle européenne.


Les plus largués, les plus criminellement crétins d’entre eux dissimuleront mal une paranoïa pathologique ou même un piquant antisémitisme chronique derrière une énième charge contre les « libéraux », les « banques » et leurs affidés des médias. Passés maîtres dans l’art d’usurper quelques solides constats sur l’aliénation des masses et les simulacres des systèmes de pouvoir, ces Consanguins Paranoïaques y plaquent toujours plus ou moins clairement leurs phobies néandertaliennes. Toute occasion est bonne pour exprimer leurs délirantes psychoses, le référendum n’y faisant pas exception. Cette variété particulièrement caricaturale semble toutefois passablement éclipsée par les deux précédentes, qui se distinguent surtout par une sorte de populisme rétroactif. Un populisme qui trouve également à s’exprimer dans la tendance suivante.

Parmi les plus pittoresques, les Consanguins Rouge-bruns, fans d’ordre public, de grands travaux et d’imagerie maoiste, veulent évidemment lire une victoire du « peuple » sur les « élites bourgeoises », se rêvant probablement en porte-paroles alternatifs d’ailleurs, voire en pop-philosophes, dans les cas les plus iconoclastes. Profondément anti-démocrates sans aller jusqu’à l’anarchisme - trop à gauche - ces consanguins vomissent le système électoral pour se réjouir ensuite du résultat du scrutin, en bonne logique. Certains, pas les plus malins bien entendu, vont jusqu’à estimer que les 55 % des votants « Non » ont pensé exactement comme eux, et nient l’hétérogénéité des motivations électorales pour y plaquer leurs fantasmes d’alternative martiale, ou pour les plus grotesques, de « souverainisme social ». Ces derniers tentent des hybridations politiques iniques et hilarantes, victimes avant tout de leurs habituels préjugés et de leur formidable inculture politique et historique. Ils énoncent que le « Non » exprimé réclame en fait la réédification des frontières politiques et des barrières économiques, par exemple. Anciens « libéro-nationalistes », ils se disent aujourd’hui « socialo-souverainistes », dans une grande valse des appellations incontrôlées qui ramènent toutes en dernière analyse au bon gros nanar de droite. Ils constituent une variété originale de consanguins, dite du « pré-rouge-brun », anti-libéral à double couche, fan hystérique d’ordre et de protectionnisme autarcique, mais désireux de se parer d’un vernis de gauche pour ne pas prendre trop de taquets en soirée, pour éventuellement serrer une louloute, et pour améliorer son propre quotidien souvent fauché grâce aux mannes étatiques. La voie esquissée est consanguine par excellence, l’histoire en témoigne.

Les plus moutonniers, les Consanguins Renfermés, auront voulu exprimer leur petit particularisme propret, en butte à cette terrible « pensée unique » qui les martyrise depuis si longtemps. Puisque tout le monde semblait vouloir dire « Oui », ces consanguins devaient dire « Non », histoire de continuer à exister en tant que négatif stupide de cette époque qui les traîne comme de sales casseroles bosselées. On peut même rencontrer des régionalistes, bien que l’enjeu en ait été particulièrement éloigné. D’autres encore parmi cette frange poussiéreuse voyant dans l’intégration européenne une véritable fin de non-recevoir à leur rêve imbécile de future monarchie française, ont voté « Non » histoire de camper sur leur pathétique tréteau vermoulu. Ces derniers sentent particulièrement fort le renfermé, ça coince d’une force rare, hem.

Les inévitables Consanguins Racialistes, pratiquant l’amalgame le plus parfait, ont essayé de s’opposer à l’entrée en europe d’une Turquie musulmane, faisant pêle-mêle référence à Charlemagne et à Mustapha Kemal, puisqu’ils ne peuvent déjà plus empêcher les européens du sud ou de l’est de venir leur voler leurs emplois, leurs femmes, leurs baladeurs mp3 et leurs places dans la queue à l’ANPE. Il s’agissait pour ceux-là de défendre leur idée des traditions françaises et/ou occidentales, dans leur optique parfois ultra-catholique, et souvent profondément islamophobe, optique maquillée de quelques minables considérations sur les « droits de l’homme », qu’ils conchient le reste du temps mais à la protection desquels ils s’intéressent soudain quand Ankara frappe à la porte de leur pavillon pourri.

En somme, puisque ces consanguins peinent déjà à bouter le sarrazin hors de France, ils tenaient à empêcher ledit sarrazin d’envahir à nouveau l’europe, puisque c’est bien cette invasion chimérique qui les tient éveillés des nuits entières, fiévreux crétins xénophobes et incultes, bigots castrés parlant de « leucophobie » et de « racisme anti-blanc » dès que l’un d’eux prend une claque - voire même avant, ha-hem. Parce que bon, quand même, hein : "on n’a rien contre les arabes, mais qu’ils restent chez eux". Hiérarchies des confessions, hiérarchies des gènes, ces consanguins constituent bien toujours l’arrière-garde pathologique sur laquelle nous pouvons toujours compter lors des grands rendez-vous…

Loin donc la plupart du temps de s’intéresser au texte du traité constitutionnel, à ses avancées et à ses lacunes quelles qu’elles aient été, et quel que soit le choix auquel en définitive celles-ci devaient conduire, les Consanguins ont surtout vu là l’occasion d’exprimer leur éternel « vote contestataire », bien pavlovien et conditionné. Ils « contestent », puisque leurs lamentables opinions réactionnaires sont battues en brèche par les « élites » qui leur ont soumis ce texte. Ils « contestent », puisqu’ils sont traumatisés à vie par leurs divers cauchemars outranciers de « socialisme européen », voire de néo-collectivisme continental, d’invasions barbares, d’ultra-libéralisme matérialiste, j’en passe et des meilleures. Puisque tout dans leur cervelet embrumé, n’est que confusion et préjugés, ils devaient laisser libre cours à cette confusion et à ces préjugés, cela suffirait bien assez. « Oui » ou « Non ».

Les consanguins supportent toutefois très mal d’avoir voté comme les « bolchéviques », les trotskystes et s’accommodent tout aussi mal de la complexité des motivations de leurs concitoyens, puisque rappelons-le les consanguins ont des capacités intellectuelles avoisinant celles d’une enclume ou d’un banc de dorades. Alors ils nient et fantasment, et revendiquent leur « Non » flippé comme le seul vote exprimé. Chacun prône une victoire totale depuis sa niche miteuse. A l’exception notable du stéréotype du Consanguin Impérial. Ici le dilemme était fort : entre un occidentalisme galopant, et une habituelle trouille du changement, les votes allaient être contrastés. Le consanguin impérial peut donc avoir voté « Oui » parce qu’il est de tous temps fasciné par le mythe du Saint Empire, à même de le protéger du reste du monde.

Le voilà qui s’emporte alors contre « l’inconséquence d’un peuple inepte » devant la Très Haute Destinée Impériale que cette variété atypique semblait déceler dans l’indigeste et calamiteux pavé juridico-technique qui était soumis à la ratification. Sorte d’occidentaliste chrétien, chevalier de fête foraine, ou simple nostalgique médiéval, celui-ci peste donc contre l’imbécillité rétrograde de ses propres frères d’armes, consanguins et souverainistes, qui le privent de son rêve d’impérialisme conquérant. Il rejoint par un biais un peu tordu les partisans du « Oui » indignés qu’on leur balance leur copie à la gueule. Bref, l’élitisme de classe a ses poussées de fièvre, et si la Noblesse consanguine est tombée bien bas, quelques pauvres hères à signes ostentatoires tentent encore d’en réanimer le cadavre rempli de vers, provoquant l’ire de leurs coreligionnaires du « Non ». La contradiction outrée n’est pas la moindre des caractéristiques de nos chers consanguins, nos chers handicapés de la plume, nos chers et dramatiques penseurs de latrines. Il faut suivre les lamentables controverses de nos amis sur la notion de « peuple » ou de « représentativité », grosse rigolade garantie.

Populistes visqueux ou élitistes illuminés, monarchistes hydrocéphales ou souverainistes rouge-bruns, nos amis consanguins ont donc voté « Non » de façon contrastée, quoiqu’ils en disent. Consanguins pluriels, ils jubilent et cancannent leur « fierté d’être français », puisque pour une fois les urnes ont parlé comme eux, et se sentent autorisés à confisquer le chiffre du résultat pour le faire rentrer dans leurs propres nasses mentales. Ils prétendent aujourd’hui conférer un écho électoral majoritaire aux impasses intellectuelles qui leur tiennent lieu d’opinions.

Quoi de plus simple : il fallait bien une réponse aussi binaire que « Oui ou Non » pour que des consanguins y trouvent leur compte. Inutile donc de leur demander d’aller réfléchir plus loin, et de trouver des raisons solides de refuser le projet constitutionnel ou d’y adhérer : les consanguins n’affirment haut et fort qu’une seule chose : ils sont la communauté qui flippe, et qui en outre ne dispose pas d’assez de neurones pour réfléchir à autre chose qu’à ses préjugés grumeleux. »


Bien que nous ne souscrivions pas à l’intégralité de l’analyse du professeur, essentiellement parce que nous avons du mal à l’appréhender, nous nous félicitons de la clarté de ses conclusions, qui encore une fois nous en apprennent beaucoup.

Consanguin wants you !

Consanguin wants you !
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