Cette semaine, le Ftalker s'épanche une fois de plus sur sa condition de critique de droite. Nous bénéficions ainsi qu'un portrait qui dépasse les limites de la littérature, à laquelle finalement le gros des troupes consanguines ne s'intéresse que modérément, pour embrasser tout bon leader consanguin qui se respecte. Qu'est-ce qu'une critique de droite ? A quels signes reconnaît-on un critique de droite ? A partir des propos de notre sémillante Pétrolette des Lettres, nous avons extrapolé une description plus précise. Le critique de droite se réfère non pas à une théorie, mais à une Vérité Révélée, LA Vérité, qui ruine toute comparaison, et qui condamne toute critique de la critique pour censure tchékiste.
Cette note se distingue par deux caractéristiques majeures. Sa morale tout d'abord, férocement édifiante : la droite française décomplexée à 140 % qui se débat sous nos yeux et échoue pourtant à redresser la France-Monsieur, est encore une caricature de ce que devrait être une droite politique sérieuse, forte, autoritaire, identitaire, policière et sacerdotale, qui n’a jamais existé du moins dans notre pays.
La Droite Décomplexée ne va pas assez loin.
Évidence métaphysique ensuite : la critique littéraire est de droite ou n'est pas, puisque l'intelligence, la sensibilité, la droiture, le discernement, le sens commun sont de droite, comme d’ailleurs le bel esprit, la politesse, la chevalerie, la vérité, la morale, la propreté, l’eau de cologne, la gastronomie, le vin, les Aston Martin, les cathédrales, la beauté physique, la police, les bergers allemands, le service public continu et la défiscalisation, bref l’esprit impérial. Sont de gauche en revanche la laideur, la dépression, la délinquance, le nihilisme, le sexe, la désinvolture hédoniste, le dionysiaque, le lucre et la luxure, la gourmandise, les cheveux longs, la radioactivité, les éditeurs, les journalistes, les internautes, le réchauffement planétaire, les paradis fiscaux et les parasites intestinaux. Le Ftalker rejoint là, une fois de plus, les plus archétypaux des consanguins. Preuve qu'un ultracatho réactionnaire et un "païen" xénophobe s'entendent en fait très bien...
Le critique de droite
Qu'elles soient actantielles, psychanalytiques, deleuziennes, foucaldiennes, structuralistes, déconstructionnistes, antiréductionnistes, et j'en oublie forcément, toutes ces grilles de lectures qui se prétendent impartiales voire scientifiques, ne peuvent rendre compte des Profondeurs de l'Ecriture, Acte souverain, Miracle absolu de la Grâce, illuminatio Dei per secula seculorum. La critique de droite est buissonnière, passionnée, métaphysique, verticale, sanguinaire, viscérale, essentielle, religieuse, catholique évidemment. Le monde a perdu de vue ce que devait être une vraie critique de droite, vitaliste, survivaliste, gorgée de sang frais, le sabre au clair et le regard furibond, la critique de droite est solidement campée sur ses jambes et elle a une paire de bollocks énorme qui lui pend au milieu. La critique de droite est virile et bourrue, elle sent le shnaps et le jambon braisé, elle est décomplexée : elle réhabilite la conquête et le suprémacisme, elle colle sa métaphysique lyophilisée à tout va, elle se réclame d’une transcendance qui ne craint pas de puer des aisselles. La critique de droite pète en se signant, et reconnecte le divin avec son trou du cul.
L'extase du binaire
Car le critique de droite préfère l’Absolu au Relatif, et croit toujours se tenir au zénith du premier, pour vomir sur la bassesse du second. Le critique de droite remplace l’analyse par l’invective. Le critique de droite invoque l’Eternel féminin pour dégueuler sa misogynie galopante, la Littérature pour taper sur le journalisme, Dieu pour fustiger le rationalisme, la Métaphysique pour contester la géopolitique, ou l’Essence, pour critiquer l’existence. Le critique de droite ressemble beaucoup à un mollah pakistanais.
Elle prétend, cette critique de droite, davantage gloser sur la divinité qui réside dans chaque caractère d’imprimerie, que placer la Littérature sous un prisme analytique ou politique. La critique de droite fait donc systématiquement dans l’anti-intellectualisme, sous prétexte de réhabiliter certaines pensées aristocrates. Elle tourne en boucle sur trois références (Heidegger, Kierkegaard et Nietzsche) et s’y vautre avec la délectation des obsessionnels.
La critique de droite se met en scène, et elle affirme bien fort que la Littérature ne s’écrit que devant un bourreau, pour adopter le statut de Victime. Le critique de droite est un martyr, et au lieu d’éclairer les auteurs explosifs dont il traite, ce sont ses propres articles qu’il approche du feu pour se persuader qu’ils sont inflammables. D’ailleurs, la critique meurt jeune. La critique a du soleil sur son front, qui met dans ses cheveux blonds, de la lumière. La critique porte du Mennen et garde un morceau de rillettes sur le menton, mais elle a quand même le port altier et le profil aquilin. Elle ressemble un peu à Clint Eastwood, à Robert Redford, ou à Jean Sarkozy – enfin un truc classe.
Si le démon de la théorie et du grand ensemble ronge la cervelle de gauche, c'est l'urticaire de la liberté qui afflige le critique de droite : il veut tellement intoxiquer ses contemporains qu’il s’envenime tout seul, s’empoisonne doucement et s’inocule une telle dose de ressentiment qu’il le confond avec une prétendue liberté d’esprit que l’Autre s’empresserait d’arraisonner. Conséquence immédiate pour le petit critique de droite : il s’attend à ce que de rigoureuses mesures sainement prophylactiques soient instamment prises à l’encontre du pestiféré qu’il est. Il les espère : puisqu’il croit empoisonner son époque, il attend l’antiseptique que la société doit logiquement lui administrer, validant par là ses poses de martyr et ses cris de rebelle à la panséunique. Le critique de droite adore être critique de droite : les trois quarts du temps, son positionnement politique lui fait également office de travail. Le critique de droite n’a qu’à se dire tel pour estimer qu’il « critique ». Le critique de droite n’a plus qu’à pratiquer du name-dropping pour inscrire ses glavioscrits dans une tradition de pensée ou un processus savant. Le critique de droite, c’est un peu Poujade qui a lu Botho Strauss.
La simplification en armes
A l’instar de n’importe quel bavasseur politique, le critique de droite nie toute pertinence au clivage droite-gauche, qu’il dénonce comme un trompe-l’œil éculé. Mais dans la seconde, il qualifiera tout ce qui lui plaît de droitier, et revendiquera un statut de « réactionnaire ». Et cette revendication lui suffit, comme il suffit au bobo parisien de se dire « de gauche » au milieu de son loft rempli d’art dégénéré, de musique téléchargée et d’odeurs prohibées. Rien de plus simple en effet que de s'apitoyer sur le monde entier quand on ne souffre que d'un tiers provisionnel un peu lourd, ou de la difficulté à se procurer de la coke à un prix décent... Et c'est bien ce qui rend fou le critique de droite : comment peut-on être blanc, catholique, bien portant et pété de thunes, tout en professant des idées séditieuses contre l'Ordre établi ? C'est bien sûr parce qu'on est un bobo pleutre qui se donne un genre entre deux vernissages au champagne.
Le critique de DROITE méprise tout le monde : l'anarchiste révolutionnaire, l'ultragauchiste autonome, le bobo hypocrite, le socio-démocrate, et le libéral cool : ils ne sont tous que des impies matérialistes qui opposent leur relativisme jouisseur à l’héroïsme ascétique du critique de droite, drappé dans la Tragédie et botté de cuir. Le critique de droite est le nec plus ultra de l’élitisme : il craint les masses, méprise les intellectuels et honnit même les élites matérialistes. Il rêve de leur substituer une élite spirituelle, dont le rayonnement fera plier les particularismes, assainira la société et dissoudra les velléités mélangistes. Le critique de droite prend toujours prétexte du sulfureux et de la dissonance pour étaler son amour de l’ordre et de la hiérarchie.
c'est la guerre-euaaaAAAARRH
Le critique de droite est la quintessence de l'homme de droite, le réactionnaire au sens de Nicolas Gomez Dalida, qui pervertit les concepts de démocrate et de progressiste pour se présenter en réceptacle de la contestation traditionaliste. Le réactionnaire a une conscience supérieure du tragique, et remplace l'effort par le sacrifice - symbolique, c'est tellement plus reposant que l'effort réel. Aucune entreprise humaine ne peut apporter le soulagement, seule la religion est vecteur de paix. Et pas n'importe quelle religion, mais celle du critique de droite, forcément.
Le critique de droite, le Réactionnaire a la nostalgie de la lourdeur et du drame. Il s'en repaît chaque jour, mais vit dans la frustration de la catastrophe qui ne vient pas. Il tonne contre la décadence et le nivellement, mais les faits, ces connards têtus, lui refusent continuellement l'Apocalypse-qui-vient. Alors il la décèle en toute chose.
Et le critique de droite utilise un prisme de pensée qui n'est rien moins que métaphysique, il surclasse donc nécessairement toute autre discipline et si on n'est pas d'accord c'est qu'on s'inscrit contre Dieu, au minimum. Le critique de droite a besoin de se soumettre à quelque chose de plus grand que nous tous, et c'est en religion qu'il l'a trouvé. Et comme le Jour du Jugement Dernier est sans cesse repoussé sine die, entre-temps le critique de droite s'en remet à toute expression de puissance virile. A défaut de se prosterner devant le divin, il s'alanguit, servile, aux pieds de la puissance brute, du leader charismatique, un pinochet de service ou un napoléon de circonstance. Parce qu'en cette puissance virile, le critique de droite retrouve sa volonté d'affirmation, son priapisme dictatorial.
Et au fond, le critique de droite se débat avec LA seule question : a-t-il la force de darder sa critique à la face du monde ? Sa critique peut-elle se gorger de sang suffisamment longtemps pour impressionner l'auditoire ? Sa critique est-elle assez épaisse, assez longue pour clore le clapet des révolutionnaires et des progressistes ? En un mot, est-ce bien lui qui a la plus grosse ?