07 juin 2008

Graphomane & vieilles dentelles

Juan Asensio, le pourfendeur des décadents nihilisto-festifs à roulettes, nous fait cadeau cette semaine de quelques confidences sur son amour immodéré pour son Ecriture, son intarissable passion pour le stalkère. Confidences enthousiasmantes, que les langues chagrines et les esprits chargés viennent ternir, par pure jalousie cela va sans dire.


Exclusif ! L'une des rares photos du Stalkère, ici au coeur de sa ténébreuse Zaune.

« J'ai écrit mon petit article, maintenant je le regarde : mon dieu, qu'il est beau ! Chaque mot est bien à sa place. J'ai visiblement atteint la meilleure expression possible des idées que je voulais transmettre à la postérité. Mine de rien, Dostoievski et moi on a un point commun : le talent. C'est incroyable parce que, à mesure que les phrases sortent, elles viennent naturellement s'aligner à la suite des précédentes, formant d'emblée un ensemble parfait ; et même, en dépliant ma prose, je découvre, oserai-je l'avouer, des choses que je ne savais pas connaître. Quel phénomène intéressant ! Pendant que les autres, tous les autres, annônnent pesamment leurs syllabes et leurs termes (un gros tas de m..., je ne vous le cache pas), (hihi), eh bien chez moi ça coule, ça jaillit du plus profond de moi pour surgir à la surface de l'écran scintillant. J'aime tellement me relire ! Généralement il n'y a presque rien à corriger ; un accent oublié, une faute de frappe de ci de là tout au plus. Ces phrases, c'est moi, tellement moi et tout moi, tantôt lyrique, tantôt profond, tantôt cocasse, mais toujours bien, ça n'arrête jamais, un feu d'artifice permanent. Un permanent feu d'artifice ! Et tout ça tient en l'air de soi-même, et…

L’Impudent Importun

- Mais non, mais non pauvre idiot. Ça tient en l'air parce c'est ce que font les blogs : tenir en l'air. Et ce n'est pas ta prose qui scintille, c'est l'écran. Les fascinés du Verbe, c'est toujours le même panneau ; c'est spécifique au web.

- Ah oui ? Mais comment expliquez-vous qu'on ne retrouve pas cette qualité chez les autres prosateurs de la toile, Monsieur l'Impudent Importun ?

- Facile, triste pitre : c'est Narcisse et son miroir. Cette fascination cheap ne fonctionne qu'avec soi.

- Vous ignorez sans doute que je ne compte plus les lecteurs enthousiastes, charmés, ravis...

- Ben ça, mon coco, c'est ton numéro d'intimidation, et le conformisme de ta clique, les identitaires, les gros fans benêts du Moi=Moi, les partisans de la tautologie comme forme ultime de la littérature et de la pensée. Comme vous êtes forcément des moutons, ça sera celui qui gueule le plus fort qu'on écoutera.

- Vous n'y connaissez rien. Vos écrits, je gagerais, sentent le purin.

- On essaie, mon p'tit vieux, on essaie. Avec le purin on fait toutes les belles choses, on fait pousser les plantes et tout et tout. Un des trucs, allez je te le donne, c'est de ne pas en parler à l'intérieur du texte, ça doit être un point aveugle, de préférence.

- Vous êtes un inculte : Artaud est passé par là. Maintenant il faut écrire « caca » en toutes lettres.

- Ah mais attends, ma truffe, Artaud écrivait caca, mais uniquement pour parler de caca ! Sinon il écrivait autre chose. Et c'est vrai que c'est un putain de problème le caca, on en fait trop, on ne sait plus le recycler ou chaipas, pis on le prend de haut, personne veut plus mettre les mains dedans alors qu'il faut, il faut bien, et jusqu'au coude, si on se mêle de vouloir savoir de quoi il retourne dans l'homme, ce qu'on peut y mettre et ce qu'on peut en sortir si tu veux. Ou p'têtre même pas, p'têtre que c'est juste qu'avoir la trouille du caca c'est juste débile, et qu'on s'en sert pour nous tenir en laisse. On a honte de trop aimer son caca, pis honte de trop haïr celui des autres. Mais je ne t'apprends rien, je pense : c'est là ton unique idée, et ton grand cri de guerre : moi j'ai pas peur du caca, d'abord ! Pas mauvaise l'idée, mais bon c'est juste un point de départ ; après faut bien quand même se mettre à bosser. Alors que toi tu répètes, et tu répètes encore, j'ai pas peur du caca, même pas peur du caca, pas peur du caca, non, du tout, pas peur, et qu'est-ce que ça veut dire à la longue, ben ça veut dire que t'as peur du caca, sinon tu resterais pas bêtement bloqué là-dessus.

- Vous n'êtes rien du tout, vous n'existez pas, vous faites partie du monde lamentable de la « littérature » contemporaine, cette farce, ce cortège d'imbéciles, comme on le voit bien dans teknikart par exemple.

- Arrête mais t'es trop drôle vraiment ; tout le monde le sait bien que sur cent livres qui sortent y en a quatre vingt dix sept qui sont ridiculement nuls ; non, je veux dire, sur cent livres primés. Et pis alors, « teknikart » serait un repère de génies que ça n'y changerait rien, quel rapport entre la littérature et « teknikart » ? C'est bien un magazine sur les jeux video, non ?

- Vous êtes de ceux qui m'attaquent, qui voudraient me voir réduit au silence, à qui ma grandeur fait offense. Mais tel l'albatros je vais ma route d'un pas altier.

- Bof tu sais, moi j'te dis ça, je te lis pas je t'ai jamais lu ; bon là je passe une heure à réfléchir à comment c'est possible des types comme toi ; je suis un partisan de profiter des erreurs des autres, si ça peut vous les éviter c'est tout benef. Bon des erreurs aussi criantes que les tiennes je pourrais pas les faire, impossible. Non, et pis tu vois, j'aime bien la littérature, j'trouve ça vachement chouette, alors c'est sûr que par rapport à ça j'ai moins envie de rire, j'suis plus en colère que si tu déblatérais des conneries à propos du football. Tu devrais d'ailleurs (hé, les footeux, je rigole : je ne vous souhaite pas un pneu crevé pareil les mecs).

- Mon corpus critique...

- Ne vaut absolument rien, tintin. Quand par miracle tu réussis à tomber sur un bon auteur, tu en tires des conneries affligeantes, tu lui fais dire le contraire de ce qu'il dit. Mais sinon bien sûr l'intérêt de tes travaux c'est de lister tous les auteurs bidon qui peuvent apparaître sur le marché. Les glauques de préférence, ceux qui pensent que Houellebecq ne file pas assez le cafard, qu'il faut absolument raconter un viol satanique pour montrer qu'on n'a même pas peur d'être vachement triste, Selby, ce genre de marrade... Bon ben voilà si tu prends l'Assommoir c'est pas très très fun ; m'enfin c'est pas complaisant, et puis quel putain de sujet l'alcoolisme, faut oser, parce que ça c'est vraiment quasi-universel, contrairement aux viols sataniques qui restent quand même un trip plutôt exotique. Mais une bonne vodka bien fraîche, c'est vachement dur de cracher dessus. Et puis tous ces gros réacs qui miment la littérature, ces Matzneff, ces je sais pas qui et je veux pas le savoir, ou cet autre blaireau dont tu te lèches les babines, Roux, de Roux chais plus, le genre de mec qui n'a même pas écrit, ce genre de blague, des mecs même pas au courant pour Beckett, du tourisme quoi, de la cosmétique, des coupes de cheuv' à la BHL, toute la panoplie, petit carnet de moleskine en bandoulière, poses très graves en terrasse de café, sourcil froncé, genre mais alors, mais, oh, qu'advient-il donc que sens-je en moi, mais c'est une idée, oh, laissez-moi seul avec elle de grâce, ma muse à moi qu'elle est, l'inspiration me visite mesdames et messieurs, pour vous qui ne la connaissez pas c'est une dame blonde extrêmement bien gaulée genre Mélissa Theuriau, et elle est habillée dans une espèce de rideau blanc qui fait des tas de chouettes plis pis elle tient un rouleau de parchemin à la main, et pis elle me lance des oeillades... Non non non ma truffe, c'est pas du tout du tout comme ça que ça se passe, je vais te dire comment ça se passe en fait : on se dit putain, mais putain qu'est-ce que je fous là moi, d'abord c'est où, et puis pourquoi si seul tout à coup, et pis j'ai froid, et puis comment que je vais rentrer moi, mais c'est que je suis complètement paumé, c'est où le haut d'abord, de là trouver le bas, ça sera déjà ça, ah ben oui suis-je con, j'ai le sang à la tête, me suis connement mis tête en bas, putain je suis rouge comme une tomate, oh l'air fin, oh pauvre de moi... Tu vois l'idée.

- Vous êtes un grossier butor indigne de fouler le sol des élus, de là votre hargne, fruit malade de votre impuissance, elle-même fruit malade, putride, dégénérescent, de votre bassesse immonde et malade. Parfaitement, et même vice-versa, ajouterais-je, si un béotien de votre nature pouvait sentir qu'il y a là, et même précisément, une idée radicalement géniale, et pas vos vulgaires excrém.., vos vulgaires, euh, vos vulgaires, et malpropres, dis-je, certes, avec panache, vos vulgaires moelenas, voilà, et je ne parle pas de vos hématémèses, mais laissez-moi rire, ah je ris, franchement. Les petits insectes purulents et ignares de votre acabit ne peuvent point retenir le vol de l'albatros déchaîné par sa vision céleste, qui le mène, toujours plus loin, mais aussi, car il faut le dire, sans crainte, farouchement dirais-je même, car je suis comme ça, plus haut, plus loin et plus haut donc, dans une splendide et merveilleuse harmonie qui n'eut jamais rien à voir avec l'ignoble et révoltante, à la lettre, c'est-à-dire avec un timbre, décomposition funeste du désespoir morbide et éxcrem... et vraiment très décevant, des êtres aveugles, sourds, infirmes malades, souffreteux, en mauvaise santé, qui toussent, de votre infecte espèce, et je pèse mes mots, Monsieur, je ne vous salue pas, restons polis.

- C'est ça parle-moi encore de toi. Bon je me tire.

- Ahem. J'en étais sûr : il a eu peur.»

Consanguin wants you !

Consanguin wants you !
*** Enrôlez-vous dans le Choc des Civilisations ***

And remember...